Ayant présenté le système éducatif italien, dans mon mémoire (chapitre 5, avril 2019), sans avoir eu le temps d’évoquer d’autres pays, je présenterai ici quelques informations trouvées. Chaque pays a une culture, des valeurs et donc des convictions différentes. Ils évoluent tous dans un contexte historique et social unique ; la question de « l’école pour tous » est cependant universelle.
L’Italie est un des pays novateurs en termes d’inclusion scolaire : plus de 90% des enfants à besoins particuliers sont scolarisés en classe ordinaire, depuis la désinstitutionnalisation (dans les années 1970). La fin de la dualité entre l’éducation ordinaire et spécialisée a permis de repenser l’école. Pour répondre au mieux aux besoins de chaque élève, trois types d’aides humaines cumulables (enseignant de soutien – assistant de communication – assistant éducatif) sont envisageables tout comme l’aide matérielle. La formation des enseignants de soutien et des autres accompagnants est effective et l’effectif des classes se réduit à 20-25 élèves maximum.
Le système éducatif italien, tout comme le finlandais, le suédois, etc. est majoritairement inclusif. Le système éducatif français, tout comme le belge, l’allemand, etc. est ségrégatif voir excluant. Nous pouvons distinguer ces systèmes par le nombre de modalité de scolarisation ou considérée comme telle : ceux inclusifs ont une unique modalité (classe ordinaire) ; ceux ségrégatifs, deux modalités (classes ordinaire et spécialisée) ; ceux ségrégatifs et excluants ont trois modalités (classes ordinaire, spécialisée et milieu spécialisé). Distinction par les modalités de scolarisation soulignée par le sociologue Marcel Calvez, à laquelle j’ai ajouté les notions d’inclusion, de ségrégation et d’exclusion.
Finlande
La Finlande a construit, depuis les années 1970, un système scolaire autour des besoins et des capacités de l’enfant, de façon générale. Les évaluations scolaires sont peu présentes, les enfants actifs dans leurs apprentissages, les effectifs par classe réduit à 20-25 élèves (travaux pratiques avec 6-7 élèves), etc. Chaque enfant est important, le système éducatif finlandais est bienveillant.
Les élèves ayant un handicap ou des troubles de l’apprentissage ne font pas exception : ils sont très généralement scolarisés en classe ordinaire et leurs besoins sont pris en compte. L’organisation du système éducatif finlandais, par le respect du rythme de l’enfant par exemple, favorise la scolarité des enfants à besoins particuliers sans les stigmatiser. La Finlande diagnostique les troubles de l’apprentissage et les handicaps chez les jeunes enfants pour répondre au mieux à leurs besoins.
Les moyens matériels et humains mis en place sont un plus pour chaque enfant y compris ceux à besoins particuliers. Des économies sont faites sur la partie administrative et organisationnelle afin d’offrir des conditions et des lieux de travail optimaux pour les enfants et les enseignants. Un enfant sourd aura, par exemple, accès à des outils pour la retranscription en classe ordinaire.
Chaque école, collège et lycée compte des enseignants spécialisés qui ont Bac+5 comme les autres enseignants. En soutien, ils interviennent auprès d’un groupe de cinq enfants sur du court ou moyen terme. Lorsque la situation de handicap demande beaucoup d’adaptations, les enfants peuvent intégrer une classe spécialisée (comptant cinq enfants) dans l’école ordinaire en étant sur certaines activités avec la classe ordinaire et toujours dans l’objectif de la réintégrer.
Au-delà des situations de handicap, l’école finlandaise inclut toutes les formes de diversités et en étant équitable, elle réduit les inégalités sociales.
Suède
La Suède, comme l’Italie, scolarise la majorité (99%) de ses élèves à besoins particuliers en classe ordinaire, depuis les années 1970. Elle compte encore quelques écoles spécialisées accueillant des enfants sourds et muets. Les enseignants et les enseignants spécialisés travaillent en collaboration. Les seconds suivent un stage d’un an et demi après 3 ans de formation (l’enseignant non-spécialisé a Bac+4).
L’éducation en milieu ordinaire est une norme mise en place par un travail collaboratif entre la famille, l’équipe enseignante, les services sociaux et de santé. L’organisation suit ce modèle : la mise en œuvre de la collaboration revient aux services sociaux ; le soutien scolaire est défini par les enseignants avec la famille et l’accès aux services est sous la responsabilité du directeur d’école.
Le cadre législatif suédois montre la volonté de proposer une éducation équitable pour chaque enfant sans pour autant parler d’inclusion. La loi sur l’éducation, datant de 2010, indique que les enfants ayant des besoins éducatifs particuliers ne doivent ni être traités ou définis comme un groupe différent des autres enfants, ni avoir des droits spécifiques. Pour que chaque enfant, adolescent et jeune adulte ait accès à l’éducation, la loi affirme que tous doivent être éduqués dans des classes ou des groupes ordinaires et l’obligation de répondre aux besoins de chacun. L’exception est envisagée, l’école doit proposer une solution à l’élève lorsqu’elle ne peut pas répondre à ses besoins (les 1% en écoles spécialisées).
La Suède diagnostique les besoins particuliers chez les tout-petits (dès un an). Cela permet d’anticiper les difficultés scolaires et de prévoir un accompagnement plus important dans les « classes » préscolaires comptants des enfants à besoins particuliers. Avant 5 ans, les classes sont à effectifs réduits et non-obligatoires. Ces classes de 20-25 élèves sont encadrées par 3 adultes en moyenne.
Allemagne
En Allemagne, les écoles spécialisées étaient en grand nombre et accueillaient plus ou moins la moitié des enfants, adolescents et jeunes adultes en situation de handicap. L’enseignant en école spécialisée a, comme celui de l’école ordinaire, Bac+4 et réalisé 2 ans de stage(s). L’importante séparation spatiale entre l’enseignement ordinaire et spécialisé a fait difficilement place à l’inclusion scolaire.
La segmentation entre l’école ordinaire et spécialisée (dit « Föderchülen ») s’explique par une prise en compte de l’incapacité et non des besoins éducatifs particuliers. L’éducation en lieux différents provient des croyances et des coutumes.
Le cadre législatif et le système de participation et de réadaptation des personnes handicapées allemands sont évolués et évolutifs. Depuis 1994, la loi constitutionnelle allemande indique que « nul ne peut être défavorisé en fonction de son handicap ». Selon Gerhard Igl, en 2005, l’enjeu était l’application des lois et la mise en œuvre des systèmes.
Le taux de scolarisation en écoles ordinaires varie selon les länder, où la politique d’inclusion diffère. Certains, comme la ville-État de Brême en 2017, ont fait fermer leur établissement spécialisé afin d’accueillir tous les élèves à l’école. L’Allemagne progresse secteur par secteur vers une école inclusive.
Pour conclure, où situer la France ? Égalitaire et non-équitable, l’école française n’est pas pensée pour accueillir la diversité et ça depuis de nombreuses années. Contrairement à la Finlande et à la Suède, l’organisation du système scolaire ne s’est pas faite en fonction des besoins de l’enfant. Dans ces deux pays, les apprentissages respectent le rythme de l’enfant. Le premier met l’accent sur l’interaction entre les enseignants et les élèves. Avant même de parler de besoins particuliers, ces systèmes éducatifs sont très différents.
Dans l’objectif d’accueillir les enfants en situation de handicap et ceux ayant des troubles de l’apprentissage, la vision du handicap et plus généralement de la différence compte beaucoup. L’Italie, la Finlande et la Suède donnent de l’importance au « vivre ensemble » et ont créé une société autour des solidarités. Là où l’Allemagne et la France ont tendance à restreindre la personne en situation de handicap à son incapacité. L’Allemagne progresse, mais la France ?
L’Italie et la Suède ont une école pleinement inclusive : ces deux pays se sont défaits de l’opposition enseignement ordinaire / enseignement spécialisé dans des classes ou des écoles distinctes, pour bâtir une école répondant aux besoins de chacun. Ayant très peu d’établissements spécialisés, l’Italie et la Suède peuvent concentrer les moyens financiers et humains nécessaires à la scolarisation de tous, dans l’école et à plus petite échelle dans la classe.
Dans la même optique, la Finlande a pensé ses écoles en fonction des besoins des enfants. Accueillant ceux à besoins particuliers avec les « autres », l’organisation scolaire devient moins stigmatisante puisque l’école s’adapte à chacun, indifféremment de la situation de l’enfant. Néanmoins, les classes spécialisées peuvent être une réponse aux besoins des enfants en situation de handicap importante. Dans l’article que j’ai lu, il est indiqué que cette solution temporaire était un dernier recours lorsque la pleine inclusion était difficile pour l’enfant et ne concernait pas les plus jeunes. Ces classes sont dans les écoles ordinaires et permettent aux enfants de faire des activités avec leurs camarades non-handicapés.
En Allemagne, enfin, la délocalisation de l’enseignement spécialisé dans des écoles spécialisées, exclut les enfants à besoins particuliers de l’école ordinaire. Ce pays comptait un grand nombre d’enfants en écoles et classes spécialisées. Après une évolution de la législation et probablement des croyances autour du handicap, l’Allemagne tend vers l’inclusion scolaire en commençant par fermer ses écoles spécialisées.
L’Allemagne est comparable à la France par le fait qu’elle compte des établissements et des classes spécialisés. Le dualisme entre les enseignements ordinaire et spécialisé y est fort et l’Histoire du handicap compliquée. L’Allemagne s’oriente vers la désinstitutionnalisation alors qu’en France il n’en n’est pas encore question. L’hétérotopie, la séparation spatiale entre les personnes handicapées et celle ne l’étant pas, perdure en France.
Pour finir, nous savons ce qui fonctionne ou non pour l’inclusion scolaire, par un coup d’œil chez nos voisins ou même dans notre Histoire. L’école inclusive a échouée en France, par la ségrégation des classes de perfectionnement en 1909… Mais elle a aussi existé, alors menons les bonnes réflexions.
Laurie Moscillo
Sources :
FNAME (Fédération Nationale des Associations de Maîtres E), Comparatif international des aides spécialisées aux élèves à besoins particuliers Allemagne - Espagne - Finlande - Irlande - Italie - Suède, Paris, 7 octobre 2017, 12 pages.
CALVEZ Marcel. L’école inclusive : des objectifs communs et des modalités différentes en Europe. 2e journée d’études du Comité scientifique et technique du CRA (Centre de Ressources Autisme) Bretagne: “ École inclusive et TSA ”, Comité scientifique et technique du CRA (Centre de Ressources Autisme) Bretagne, en partenariat avec le LP3C (EA 1285) Université Rennes 2, Nov 2018, Rennes, France. ffhalshs-01929053f
GERHARD Igl, les droits des personnes handicapées en allemagne : Les changements apportés par la nouvelle législation, La Documentation française, « Revue française des affaires sociales » 2005/2, pages 125 à 156
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